Droit des majeurs protégésTutelle, curatelle, etc. : le conflit familial

7 juin 2024

Des conflits familiaux peuvent exister à propos de l’accompagnement d’un proche âgé et/ou vulnérable, notamment :

  • S’agissant des décisions médicales à prendre et des soins à prodiguer ;
  • S’agissant du lieu de résidence (rester à domicile, déménager en EHPAD, etc.) ;
  • S’agissant du patrimoine financier (donation, paiement d’auxiliaires de vie, etc.).

Souvent, un tel conflit familial existe au sein de fratries, entre les frères et sœurs de parents âgés ou malades par exemple.

Face à ces conflits, certains proches peuvent décider de solliciter le juge des tutelles afin d’ouvrir une mesure de protection et de donner un cadre légal aux diverses interventions qu’il réalise pour le compte du majeur vulnérable.

Toutefois, cette procédure aux fins d’ouverture d’une mesure de protection peut elle-même créer des conflits au sein des familles, notamment s’agissant :

  • De la nécessité de la mesure de protection ;
  • De l’identité des personnes désignées comme tuteur, curateur ou personne habilitée.

Dans ce cadre, l’intervention d’un avocat habitué aux mesures de protection (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, etc.) peut se révéler utile à de nombreux égards.

 

1/ L’identification de la mesure de protection appropriée

Avant l’envoi de la demande au juge des tutelles, l’avocat peut aider les proches de la famille à identifier la mesure la plus adaptée aux besoins et à la santé du majeur vulnérable (par exemple, le parent âgé).

Ainsi, si les facultés du majeur vulnérable ne sont pas encore altérées et que celui-ci peut encore exprimer sa volonté, il peut être envisagé de conclure un mandat de protection future afin de limiter l’aléa judiciaire (c’est-à-dire l’incertitude qui entoure la procédure devant le juge des tutelles).

Le mandat de protection future permet en effet au majeur vulnérable de décider lui-même des modalités de son assistance ou de sa représentation et de l’identité du ou des mandataires (c’est-à-dire des personnes qui l’aideront).

Il peut aussi être envisagé de solliciter le juge des tutelles pour l’ouverture d’une mesure d’habilitation familiale, qui comporte plusieurs avantages : flexibilité, intervention très limitée du juge des tutelles, durée longue, etc.

Cependant, une telle mesure ne permet de désigner que les membres de la famille proche et nécessite un consensus familial. Ainsi, en cas de conflit familial, la mesure d’habilitation familiale ne peut en principe pas être ouverte.

 

2/ La participation aux débats sur la nécessité de la mesure

Devant le juge des tutelles, il peut exister un débat sur la nécessité ou non d’une mesure de protection. Une partie de la famille peut estimer qu’une mesure est nécessaire, tandis qu’une autre partie peut considérer que ce n’est pas le cas.

Afin de démontrer qu’une mesure n’est pas nécessaire, l’avocat pourra :

  • Analyser le certificat médical circonstancié et le cas échéant, identifier certaines insuffisances et lacunes ;
  • Demander au juge une « contre-expertise », c’est-à-dire un nouvel examen par un médecin habilité par le Procureur de la République;
  • Démontrer au juge que les facultés du majeur ne sont pas altérées ou qu’il peut pourvoir seul à ses intérêts, notamment en collectant des pièces probantes (par exemple, des certificats médicaux du gériatre, du psychiatre et/ou du médecin traitant, des attestations de proches, des relevés bancaires, etc.).

À contrario, afin de mettre en exergue qu’une mesure est nécessaire, l’avocat pourra :

  • Se fonder sur les pièces du dossier, notamment le certificat médical circonstancié s’il conclut à la nécessité d’une mesure ;
  • Collecter des pièces, montrant par exemple qu’il y a eu un abus de faiblesse, une arnaque, des impayés, etc. ;
  • Rassembler des témoignages, notamment de proches ou d’intervenants à domicile (aides-soignants, auxiliaires de vie, prestataires de services, etc.).

 

3/ L’intervention sur le choix des tuteurs et curateurs

Une fois que le juge estime qu’une mesure de protection est nécessaire, se pose la question de l’identité de la personne en charge de la mesure (tuteur, curateur, etc.).

Conformément à l’article 449 du code civil, la famille et les proches sont prioritaires. Ainsi, en principe, le juge nomme le conjoint du majeur protégé (ou assimilé) comme curateur ou tuteur. À défaut, le juge désigne un autre membre de la famille ou un proche résidant avec lui ou entretenant avec lui des liens étroits et stables.

Cependant, en cas de conflit familial, le principe de priorité familiale est souvent écarté par le juge des tutelles. En effet, il est difficile pour le juge des tutelles de désigner une personne, alors qu’une partie de la famille s’oppose à lui.

Toutefois, cela n’est pas impossible.

D’une part, la jurisprudence estime qu’un conflit familial empêche la désignation d’un des membres de la famille seulement si cette désignation porte atteinte à l’intérêt du majeur protégé. Ce qui n’est pas tout le temps le cas.

D’autre part, il est parfois possible de convaincre le juge, par exemple :

  • En prouvant qu’une partie de la famille s’occupe du majeur protégé, tandis que l’autre s’en désintéresse (et n’est mû que par des intérêts financiers par exemple) ;
  • En proposant des mécanismes de contrôle, et notamment la désignation d’un mandataire judiciaire à la protection des majeurs en tant que subrogé tuteur ou curateur.

 

4/ La recherche d’une solution amiable

De manière générale, l’avocat peut intervenir afin d’essayer de rapprocher les parties au conflit familial, par exemple en recourant à la médiation.

La médiation peut être conventionnelle ou judiciaire (c’est-à-dire, lorsque les parties demandent au juge de désigner un médiateur).

Dans ce cadre, l’avocat peut avoir deux rôles bien différents :

  • Soit, il accompagne une partie pour représenter ses intérêts et faire valoir ses arguments ;
  • Soit, il est lui-même le médiateur et essaye alors de concilier les positions des différentes parties, en veillant à rester neutre.

Une médiation peut parfois se révéler utile, notamment afin d’éviter la désignation d’un tiers professionnel (dont le coût peut être élevé) et l’enlisement d’un conflit, comme avec les enfants de M. Alain Delon, récemment placé sous curatelle renforcée.

 

Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatellesauvegarde de justiceetc.)