L’article 433 du code civil dispose que le juge des tutelles peut placer sous sauvegarde de justice toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles et qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
En d’autres termes, la sauvegarde de justice est une mesure de protection de courte durée qui permet à un majeur d’être assisté et/ou représenté pour accomplir certains actes de la vie.
La sauvegarde de justice peut être ouverte sur déclaration médicale ou à la suite d’une décision du juge des tutelles. Le juge des tutelles peut ouvrir une telle mesure :
- De manière provisoire, lorsqu’il est saisi d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de curatelle ou de tutelle, pour la durée de l’instance ;
- De manière autonome, afin de protéger temporairement une personne vulnérable.
Nous présenterons ici la sauvegarde de justice ouverte par le juge des tutelles, qu’elle soit provisoire ou autonome.
I – Les personnes concernées par la sauvegarde de justice
A – L’auteur de la demande
La mise sous sauvegarde de justice d’un majeur peut être demandée au juge des tutelles par :
- La personne vulnérable ;
- Ses proches (personne avec qui la personne vulnérable vit en couple, parent ou allié, personnes entretenant des liens étroits et stables) ; et
- Certains tiers (par exemple, le procureur de la République, un médecin, un directeur d’établissement de santé, etc.).
Concrètement, pour les particuliers, il convient d’envoyer au juge des tutelles une « requête en vue d’une protection juridique d’un majeur ». Le CERFA n° 15891*03 peut être utilisé à cette fin. Plusieurs documents doivent être joints, et notamment :
- Les documents d’état civil de la personne à protéger (copie d’un titre d’identité, copie intégrale de l’acte de naissance de moins de 3 mois) ;
- La copie de la pièce d’identité de l’auteur de la requête ;
- Un certificat médical circonstancié.
B – La personne concernée par la sauvegarde de justice
L’article 433 du code civil dispose que le juge des tutelles peut placer sous sauvegarde de justice toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles et qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
S’agissant de la sauvegarde de justice autonome, la personne concernée peut par exemple être une personne qui n’est provisoirement plus en mesure d’exprimer sa volonté : une victime d’un traumatisme crânien, une personne dans le coma, etc.
S’agissant de la sauvegarde de justice provisoire, la personne concernée est généralement un majeur qui rencontre des difficultés physiques ou psychologiques à cause d’une maladie ou un majeur affaibli par l’âge. Dans cette hypothèse, la sauvegarde de justice permet de protéger en urgence ces personnes vulnérables dans l’attente de l’ouverture d’une mesure plus protectrice, comme une tutelle, une curatelle renforcée, une curatelle aménagée ou une curatelle simple.
II – La procédure de placement sous sauvegarde de justice
A – La décision de placement sous sauvegarde de justice
Conformément à l’article 432 du code civil, le juge des tutelles entend en principe le majeur vulnérable avant de prendre sa décision.
Toutefois, en cas d’urgence ou sur avis du médecin auteur du certificat médical circonstancié, l’audition peut intervenir après la décision de mise sous sauvegarde de justice.
L’audience de la personne à protéger se déroule généralement au sein du cabinet du juge, en présence du greffier et éventuellement de son avocat ou d’un proche (sur autorisation du juge). Il s’agit d’un échange qui permet d’orienter le juge sur la nécessité ou non d’une mesure de protection.
À la suite de l’audience, le juge peut souhaiter obtenir davantage des informations : par exemple, en ordonnant une enquête sociale, en demandant certains documents (attestation d’assurance, relevés bancaires, etc.) ou en convoquant les proches de la personne à protéger.
Une fois qu’il estime avoir toutes les informations nécessaires, le juge des tutelles prend sa décision. On parle « d’ordonnance de mise sous sauvegarde de justice » (pour la sauvegarde de justice provisoire) ou de « jugement de mise sous sauvegarde de justice » (pour la sauvegarde de justice autonome).
B – Les effets du placement sous sauvegarde de justice
D’abord, il convient de préciser que l’article 435 du code civil confère à la sauvegarde de justice un aspect protecteur important : à partir du moment où elle est ouverte, tous les actes passés et les engagements contractés par le majeur protégé peuvent être annulés (« rescindés pour simple lésion ») ou modifiés (« réduits ») lorsqu’ils lui sont excessivement défavorables (voir ici notre article sur le sujet).
Ensuite, conformément à l’article 435 du code civil, la personne sous sauvegarde de justice conserve en principe l’exercice de ses droits, sauf s’agissant des actes éventuellement confiés à un mandataire spécial et sauf quelques exceptions (par exemple, le divorce par consentement mutuel).
Enfin, l’article 437 du code civil permet en effet au juge des tutelles de désigner un mandataire spécial qui sera chargé de réaliser certains actes de représentation ou d’assistance du majeur protégé (par exemple, percevoir les revenus, recevoir le courrier, vendre un bien, etc.).
Ce mandataire spécial est en principe choisi parmi les proches du majeur protégé mais en cas d’impossibilité, il peut s’agir d’un mandataire professionnel.
En pratique, lorsqu’un mandataire spécial est désigné, le quotidien du majeur protégé peut être bouleversé. Par exemple, lorsque le mandataire spécial reçoit pour mission de percevoir les revenus et de gérer le budget du majeur protégé, les moyens de paiement (carte bancaire et chéquier) de ce dernier peuvent être récupérés par le mandataire.
Attention : Le mandataire spécial ne dispose toutefois pas d’un blanc-seing. Il doit rendre compte de l’exécution de son mandat, tant au majeur protégé qu’au juge des tutelles.
III – La modification de la décision de placement sous sauvegarde de justice
A – L’appel
L’article 1249 du code de procédure civile dispose que la décision par laquelle le juge des tutelles place un majeur sous sauvegarde de justice ne peut faire l’objet d’aucun recours.
Il existe une seule exception, prévue à l’article 1250 du code de procédure civile : lorsque le juge des tutelles désigne un mandataire spécial, alors cette désignation et le contenu des missions assignées peuvent faire l’objet d’un recours en appel.
Le délai d’appel est de 15 jours à compter de la notification et peut être exercé par les mêmes personnes que celles autorisées à demander une mesure de protection. Il convient d’adresser au greffe du tribunal qui a rendu la décision (et non pas à la cour d’appel !) une lettre recommandée avec accusé de réception.
Attention : Lorsque la sauvegarde de justice est ouverte dans le cadre d’une requête en ouverture d’une mesure de curatelle ou de tutelle, l’intérêt d’un tel appel doit être consciencieusement démontré. En effet, à partir du moment où l’appel est interjeté, le juge des tutelles n’intervient plus jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel. Il y a donc un risque de rallonger excessivement la procédure.
B – La demande de réexamen pour prolongation
Avant la fin de la mesure de sauvegarde, l’auteur de la requête initiale peut demander au juge des tutelles de réexaminer le majeur protégé et, le cas échéant, prolonger la mesure.
À cette fin, le CERFA n°14919*04 peut être utilisé.
Toutefois, il n’est possible de demander qu’une prolongation de la mesure, et pas une modification. Il n’est par exemple pas possible de demander l’attribution de nouvelles missions au mandataire spécial.
C – La fin de la mesure
En application de l’article 439 du code civil, la sauvegarde de justice judiciaire cesse dans les cas suivants :
- À la fin du délai pour laquelle elle a été prononcée ;
- À l’expiration du délai maximum de la mesure (la sauvegarde de justice ne peut pas dépasser une année ou bien deux années si le juge l’a renouvelé à l’expiration de la première année) ;
- Lorsque l’acte qui a justifié la mesure a été accompli ;
- Lorsque le juge lève la mesure (pour raisons de santé par exemple) ;
- Lorsque le juge ouvre une autre mesure de protection, comme la curatelle ou la tutelle.
Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés