Droit des majeurs protégésTutelle et curatelle : la demande de mainlevée

2 février 2024

L’article 425 du code civil dispose que lorsqu’une personne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l’expression de sa volonté, elle peut bénéficier d’une mesure de protection juridique.

Il s’agit notamment des mesures de protection judiciaire telles que la sauvegarde de justice (articles 433 à 439 du code civil), la curatelle et la tutelle (articles 440 à 476 du code civil).

Ces mesures permettent d’aider et de protéger les personnes aux facultés altérées, qui peuvent se retrouver dans des situations de vulnérabilité (par exemple, abus de faiblesse, arnaque amoureuse, etc.) et/ou de précarité (par exemple, surendettement, syndrome de Diogène, sans logement, etc.).

Il arrive toutefois qu’en cours de mesure, l’état de santé du majeur protégé s’améliore et qu’il retrouve toutes ses facultés mentales et corporelles. Dans ce cadre, si la mesure de protection juridique n’apparaît plus nécessaire, il est alors possible d’en demander la mainlevée au juge des tutelles.

En effet, le 3ème alinéa de l’article 442 du code civil dispose que « (…) Le juge peut, à tout moment, mettre fin à la mesure » et l’article 443 du code civil ajoute que « La mesure prend fin (…) en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée (…) ».

Nous nous intéresserons donc ici à la demande de mainlevée de la curatelle ou de la tutelle, en présentant d’une part, le déroulement de l’instance et d’autre part, les conditions à respecter et bonnes pratiques à suivre.

I – Demande de mainlevée d’une curatelle ou d’une tutelle : le déroulement de l’instance

A – La requête aux fins de mainlevée

 

Les alinéas 3 et 4 de l’article 442 du code civil disposent que : « Le juge peut, à tout moment, mettre fin à la mesure, la modifier ou lui substituer une autre mesure prévue au présent titre, après avoir recueilli l’avis de la personne chargée de la mesure de protection.

 Il statue d’office ou à la requête d’une des personnes mentionnées à l’article 430, au vu d’un certificat médical et dans les conditions prévues à l’article 432 (…). »

La requête aux fins de mainlevée de la mesure de protection (c’est-à-dire la demande de mainlevée de la tutelle ou curatelle) peut donc intervenir à tout moment.

Les personnes suivantes peuvent introduire la requête aux fins de mainlevée :

  • Le majeur protégé ;
  • Son conjoint, partenaire de PACS ou concubin ;
  • Un parent ou un allié ;
  • Une personne entretenant avec le majeur protégé des liens étroits et stables ;
  • Le tuteur ou curateur ;
  • Le procureur de la République.

Enfin, le code civil prévoit que la requête doit être accompagnée d’un certificat médical. La cour de cassation a toutefois limité la portée de cette exigence (voir partie 2A).

 

B – L’instruction et le jugement de mainlevée

 

Avant de statuer, le juge des tutelles instruit le dossier.

D’abord, il requiert l’avis du tuteur ou du curateur sur l’opportunité d’une mainlevée et prend l’avis du procureur de la République.

Ensuite, il convoque le majeur protégé et les autres parties (majeur protégé, proches, curateur ou tuteur, etc.) afin de procéder à leur audition. Cette audition peut parfois se dérouler dans le cabinet du juge des tutelles et consiste en un échange entre ce dernier et les parties présentes.

C’est une étape très importante car c’est généralement à ce moment que le juge des tutelles se forge sa conviction. Il peut également demander des pièces complémentaires ou ordonner une mesure (par exemple, une expertise médicale) lorsqu’il a des doutes sur les suites à donner à la requête aux fins de mainlevée.

Enfin, le juge des tutelles rend son jugement. Il convoque les parties mais leur présence n’est pas indispensable puisque le jugement sera en principe notifié au requérant, au curateur ou tuteur et à ceux dont il modifie les droits ou obligations (article 1230 du code de procédure civile).

Conformément à l’article 444 du code civil et à l’article 1233 du code de procédure civile, le jugement prononçant la mainlevée emporte radiation de la mesure au répertoire civil, mention en marge de l’acte de naissance de l’intéressé et devient opposable aux tiers deux mois après, sauf s’ils en ont eu personnellement connaissance auparavant.

En pratique : Le majeur a intérêt à prévenir directement ses principaux interlocuteurs afin de pouvoir échanger directement avec eux (administrations, EDF, La Poste, opérateur, téléphonique, mutuelle, etc.).

 

II – Demande de mainlevée d’une curatelle ou d’une tutelle : les conditions et bonnes pratiques

 

A – L’exigence relative de la production d’un certificat médical

 

Au terme de l’alinéa 4 de l’article 442 du code civil, le juge des tutelles statue « au vu d’un certificat médical ».

Le code civil prévoit donc qu’il n’est pas nécessaire de produire un certificat médical circonstancié, qui ne peut être rédigé que par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République visée à l’article 431 du code civil.

Ainsi, un certificat médical rédigé par son médecin traitant, son psychiatre ou un gériatre est suffisant. Cette solution permet de faire des économies, car l’examen nécessaire à la rédaction d’un certificat médical circonstancié est onéreux : il coûte 160 € hors taxes, sans compter les divers frais qui peuvent alourdir la facture (notamment des frais de déplacement si le majeur protégé ne peut pas se déplacer).

À ce sujet : Voir notre article « Tutelle et curatelle : Quel certificat médical pour quelle démarche ?  ».

La Cour de cassation considère même que la production d’un certificat médical n’est pas une condition de recevabilité de la demande, c’est-à-dire que le juge des tutelles ne peut se fonder sur l’absence de production d’un certificat médical pour déclarer irrecevable la requête en mainlevée d’une mesure de protection (Civ. 1ère, 9 novembre 2016, n° 14-17.735).

De la même manière, la Cour de cassation a jugé que pour rejeter une demande de mainlevée, le juge des tutelles ne peut seulement relever l’absence d’élément médical mais doit personnellement constater la persistance de l’altération des facultés du majeur protégé (Civ. 1ère, 15 avril 2015, n° 14-16.666).

Toutefois, il convient de préciser que dans le cadre d’une requête aux fins de mainlevée, le but est de convaincre le juge des tutelles que la mesure de protection n’est plus nécessaire. La production d’un certificat médical circonstancié reste donc toujours un élément probant fort.

 

B – Les bonnes pratiques : la production de pièces complémentaires

 

Afin de montrer au juge des tutelles que la mesure de protection juridique (tutelle, curatelle, etc.) n’est plus nécessaire, d’autres pièces peuvent également être jointes.

La pertinence de la production de pièces dépend toutefois du contexte dans lequel le majeur protégé s’inscrit. Voici quelques exemples de documents qui pourraient montrer au juge des tutelles qu’une mesure de protection juridique n’est plus nécessaire :

  • Les derniers relevés bancaires : en curatelle simple, le majeur protégé gère son budget mensuel. Les relevés bancaires permettront donc de prouver que le budget est bien géré.
  • L’attestation d’assurance habitation : en curatelle simple, afin de montrer au juge que le majeur protégé est responsable et respecte ses obligations.
  • La situation de compte du syndic : en curatelle simple, si le majeur protégé est propriétaire, afin de montrer au juge qu’il règle bien ses charges de copropriété.

Par ailleurs, il peut également être utile de fournir des attestations de proches. Ils peuvent par exemple témoigner de faits (auxquels ils ont assisté) qui permettraient d’indiquer qu’une mesure de protection juridique n’est plus nécessaire. Par exemple, si le majeur protégé est trésorier d’une association, il peut s’agir d’un élément prouvant qu’il s’agit d’un bon gestionnaire. Le CERFA 11527*03 peut être utilisé à cette fin.

 

Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, etc.)