Droit des majeurs protégésTutelle et curatelle : la procédure d’appel

8 février 2024

Lorsqu’une personne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l’expression de sa volonté, elle peut bénéficier d’une mesure de protection juridique (article 425 du code civil).

Il pourra par exemple s’agir d’une mesure de protection judiciaire : la sauvegarde de justice (articles 433 à 439 du code civil), la curatelle ou la tutelle (articles 440 à 476 du code civil).

Ces mesures doivent permettre d’aider et de protéger la personne aux facultés altérées, qui peut se retrouver dans des situations de vulnérabilité et/ou de précarité.

Il arrive toutefois qu’il y ait un débat sur la nécessité ou sur les modalités d’exécution d’une mesure de protection. Dans ce cadre, sauf, disposition contraire, les décisions du juge des tutelles peuvent faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel.

Cela vaut par exemple pour le jugement d’ouverture de la mesure de protection, le jugement accordant ou refusant la mainlevée, le jugement accordant ou refusant le changement de curateur ou de tuteur, etc.

 

Il convient toutefois d’être vigilant : la procédure d’appel obéit toutefois à un formalisme très particulier. Nous en présentons les principaux points dans cet article.

 

I – La déclaration d’appel devant le juge des tutelles

 

A – Qui peut faire appel ?

L’article 1239 du code de procédure civile dispose que peuvent faire appel :

  • La personne qu’il y a lieu de protéger ;
  • Son conjoint, son partenaire de PACS ou son concubin (sauf si la vie commune ait cessé entre eux) ;
  • Un parent ou un allié ;
  • Une personne entretenant avec elle des liens étroits et stables ;
  • La ou les personnes qui exercent à son égard la mesure de protection (tutelle, curatelle, etc.) ;
  • La ou les personnes qui sont habilités à l’assister ou à passer des actes en son nom au titre d’une habilitation familiale ;
  • Le procureur de la République.

Il existe toutefois quelques exceptions : par exemple, l’appel contre le jugement qui refuse de prononcer une mesure de protection n’est ouvert qu’au requérant, c’est-à-dire à celui qui a demandé au juge des tutelles l’ouverture d’une mesure de protection (article 1239-2 du code de procédure civile).

 

B – Quel est le délai d’appel ?

Le délai pour faire appel d’une décision du juge des tutelles est très court : seulement quinze jours (article 1239 du code de procédure civile).

Toutefois, pour le majeur protégé et les personnes à qui le jugement doit être notifié, le délai ne démarre qu’à partir du moment où le jugement leur est notifié (article 1241 et article 1241-1 du code de procédure civile). En pratique, cela correspond généralement à la date à laquelle la décision est reçue par lettre recommandée.

Pour toutes les autres personnes, le délai démarre à compter de la date à laquelle la décision est rendue.

 

C – Comment faire appel ?

Pour faire appel d’une décision du juge des tutelles, il faut transmettre une déclaration d’appel au greffe du juge des tutelles de première instance, c’est-à-dire le tribunal de proximité ou le tribunal judiciaire qui a rendu la décision (article 1241 du code de procédure civile).

Cette déclaration d’appel peut être faite sur place : il convient alors de récupérer un récépissé de déclaration.

Elle peut également être adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception : le greffe délivrera ensuite par courrier simple un récépissé de déclaration.

Attention : L’appel peut porter uniquement sur un aspect du jugement, par exemple sur la désignation du tuteur ou du curateur (article 1243 du code de procédure civile). Si le but de l’appel est de contester l’intégralité du jugement, il est conseillé de l’indiquer expressément.

Attention : Le recours n’est pas suspensif, c’est-à-dire que la décision du juge des tutelles s’applique tant que la cour d’appel n’a pas statué.

 

II – Le déroulement de la procédure devant la cour d’appel

 

A – La préparation de son dossier

Une fois la déclaration d’appel formée, l’appelant (celui qui fait appel) peut commencer à préparer son dossier en compilant de nouvelles pièces (par exemple, des certificats médicaux, des attestations de proches, des preuves de travail, etc.).

Dans ce cadre, il peut être utile de consulter le dossier. L’article 1222-1 du code de procédure civile prévoit notamment que le dossier peut être consulté à tout moment de la procédure par le majeur à protégé ou protégé, son avocat et la ou les personnes chargées de sa protection.

L’avocat peut notamment se faire délivrer une copie du dossier (article 1223 du code de procédure civile).

 

B – Les étapes de la procédure devant la cour d’appel

Au bout de quelques mois (ce délai varie selon les cours), le greffier de la cour d’appel convoque les parties à l’audience (article 1244 du code de procédure civile).

Cette convocation doit être adressée au moins quinze jours à l’avance, par lettre recommandée avec avis de réception (article 1244-1 du code de procédure civile).

L’audience se déroule de manière assez similaire à l’audience devant le juge des tutelles : il s’agit d’un échange oral entre les parties présentes, qui peuvent présenter leurs prétentions. Les avocats des parties sont également entendus (article 1245 du code de procédure civile).

Si cela est nécessaire, de nouvelles audiences peuvent être organisées (article 1245-1 du code de procédure civile). Cela reste toutefois très rare.

 

C – L’arrêt de la cour d’appel

La cour d’appel peut substituer sa décision à celle du juge des tutelles (article 1246 du code de procédure civile).

Le greffe de la cour d’appel doit alors notifier cette décision (article 1246-1 du code de procédure civile) et renvoyer le dossier au juge des tutelles (article 1247 du code de procédure civile).

Il existe ensuite un recours à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel : il s’agit du pourvoi en cassation, à exercer dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt. Ce recours est cependant particulier car la Cour de cassation ne rejuge pas le dossier : elle vérifie uniquement si le droit a été correctement appliqué.

 

Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, etc.)