Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou de ses facultés corporelles peut faire l’objet d’une mesure de protection juridique.
Les mesures les plus classiques sont les mesures judiciaires :
- La sauvegarde de justice ;
- La curatelle simple ;
- La curatelle aménagée ;
- La curatelle renforcée ;
- La tutelle.
Il existe aussi des mesures non judiciaires, et notamment le mandat de protection future et l’habitation familiale.
Classiquement, la demande d’ouverture d’une mesure de protection est réalisée par un proche : un conjoint, un parent, un enfant, un ami, etc. Dans cette hypothèse, le rôle du procureur de la République est généralement assez limité.
En revanche, il arrive parfois que la demande d’ouverture d’une mesure de protection émane directement du Procureur de la République, d’office ou à la demande d’un tiers. Son rôle est alors plus actif.
I – Le Procureur de la République dans la procédure ordinaire
A – En première instance
Le Procureur de la République est un magistrat qui dirige les services du « Parquet » et qui représente donc les intérêts de la société.
Plus précisément, il conduit l’action publique au pénal et dispose d’un droit d’action et d’intervention pour défendre l’ordre public au civil.
En matière de mesures de protection des personnes vulnérables (tutelle, curatelle, etc.), le rôle du Procureur de la République est donc en principe assez limité.
Toutefois, deux dispositions du code de procédure civile prévoient que le Procureur de la République doit être tenu informé des procédures en cours :
- L’article 1218-1 dispose que le greffier doit aviser le Procureur de la République de toute procédure engagée aux fins de mise sous protection d’une personne.
- L’article 1230-1 dispose que le Procureur de la République doit être avisé de tout jugement qui statue sur une demande d’ouverture d’une protection ou ordonnant l’habilitation familiale d’un majeur.
En pratique : lorsque la demande de protection émane d’un proche du majeur vulnérable, la présence du Procureur de la République aux audiences de première instance est assez rare (devant le Tribunal de proximité ou le Tribunal judiciaire compétent).
B – En appel
En revanche, en appel, l’intervention du Procureur Général (l’équivalent du Procureur de la République pour les cours d’appel) est plus fréquente.
D’abord, le Procureur de la République peut être lui-même l’appelant : l’article 1240 du code de procédure civile dispose en effet que « Le ministère public peut former appel jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la remise de l’avis qui lui a été donné de la délibération prise ou de la décision rendue ».
Ensuite, le ministère public peut adresser, d’office ou à la demande de la cour, son avis ou ses conclusions sur l’opportunité et les modalités de la protection : c’est l’article 1244 du code de procédure civile qui le prévoit. L’avis ou les conclusions du ministère public sont notifiées aux avocats et portées à la connaissance de tous lors des débats.
Enfin, le Procureur général peut intervenir lors de l’audience : l’article 1245 du code de procédure civile prévoit que la cour entend le cas échéant le ministère public.
II – Le Procureur de la République dans la procédure qu’il initie
A – Les hypothèses dans lesquelles le Procureur introduit la demande de protection
L’intervention du Procureur de la République dans le cadre de la protection juridique de personnes vulnérables peut toutefois être beaucoup plus importante.
En effet, il arrive que les proches du majeur vulnérable ne soient pas en mesure de réunir les pièces nécessaires pour introduire une requête aux fins de protection auprès du juge des tutelles. Il peut en effet être difficile de se procurer le certificat médical circonstancié ou même certains documents administratifs, telle que la copie d’un titre d’identité ou bien la copie de l’acte de naissance du majeur vulnérable.
C’est pourquoi le Procureur de la République peut être sollicité pour demander lui-même au juge des tutelles l’ouverture d’une mesure de protection juridique. L’article 430 du code civil dispose en effet que la demande d’ouverture d’une mesure « peut être également présentée par le procureur de la République soit d’office, soit à la demande d’un tiers ».
Ainsi, un tiers peut contacter le Procureur de la République en lui indiquant qu’une personne doit être protégée. Il peut par exemple s’agir de proches du majeur vulnérable (conjoint, parent, enfant, ami, etc.) qui ne parviennent pas à obtenir de nouvelles de ce dernier ou à lui faire subir un examen médical par un médecin expert.
Cependant, il peut aussi s’agir d’acteurs médico-sociaux, ce qui est d’ailleurs très fréquent.
Par exemple, la demande peut émaner d’une assistante sociale qui estime qu’une personne qu’elle accompagne doit faire l’objet d’une mesure de curatelle ou de tutelle.
Autre exemple, un établissement de santé (un hôpital par exemple) qui reçoit régulièrement un majeur (pour diverses raisons : chutes à répétition, troubles psychiatriques, etc.) peut estimer qu’il est vulnérable et ainsi solliciter le Procureur de la République.
B – Les spécificités de la procédure initiée par le Procureur
Lorsque le Procureur initie lui-même la demande, d’office ou à la demande de tiers, certaines spécificités s’appliquent.
Premièrement, la demande présentée au Procureur aux fins de saisine du juge des tutelles doit contenir certaines informations spécifiques :
- L’identité de la personne à protéger (article 1216-1 du code de procédure civile) ;
- La description des faits justifiant la nécessité de protection (article 1216-1 dudit code) ;
- La composition de la famille de la personne, ses conditions de vie, son lieu de vie et son environnement social (article 1216-2 dudit code) ;
- La consistance de son patrimoine, son budget et la liste des prestations mobilisables au bénéfice de la personne (article 1216-2 dudit code) ;
- L’autonomie de la personne (article 1216-2 dudit code).
Deuxièmement, la requête transmise par le Procureur au juge des tutelles doit également comprendre des éléments spécifiques, à peine d’irrecevabilité :
- Les informations sur la situation sociale et pécuniaire de la personne (article 431 du code civil) ;
- L’évaluation de son autonomie (article 431 dudit code) ;
- Un bilan des actions personnalisées menées auprès d’elle (article 431 dudit code).
Troisièmement, afin d’obtenir un certificat médical circonstancié, le Procureur va réquisitionner un médecin-expert qui sera chargé de contacter le majeur vulnérable pour l’examiner. L’article 1212 du code de procédure civile prévoit en effet que le Procureur a la faculté de faire examiner par un médecin les majeurs qui font l’objet d’une demande de protection.
En pratique : le médecin-expert tente de joindre le majeur par divers moyens (courrier, mail, déplacement à domicile). Il n’est donc pas conseillé de ne pas répondre à ses sollicitations du médecin-expert. En effet, dans cette hypothèse, le médecin-expert pourrait rédiger un certificat médical sur pièces ou demander le concours de la force publique.
Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, etc.)