Droit des majeurs protégésTutelle et curatelle : choix du logement et des relations

16 mai 2024

L’article 425 du code civil dispose que lorsqu’une personne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, elle peut bénéficier d’une mesure de protection juridique. Ces mesures sont nombreuses, entre les non-judiciaires (habilitation familiale et mandat de protection future) et les judiciaires (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice).

Ces mesures ont pour point commun de viser à protéger la personne vulnérable : les engagements qu’il conclut, son patrimoine immobilier et mobilier mais également parfois, des décisions plus personnelles, notamment en matière de santé.

Il existe toutefois une sphère de décisions personnelles, que le majeur protégé reste libre de prendre seul.

L’article 458 du code civil prévoit par exemple que les actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peuvent jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée. Il s’agit notamment de la déclaration de naissance d’un enfant, de la reconnaissance d’un enfant, du consentement donné à son adoption, du consentement donné à l’adoption de son enfant, etc.

L’article 459-2 du code civil traite quant à lui du choix du lieu de résidence et des relations personnelles du majeur protégé. Or, ces thématiques peuvent souvent être la source de conflits entre le majeur protégé, sa famille et/ou son protecteur (tuteur, curateur, personne habilitée, mandataire, etc.).

Nous faisons donc ici le point sur quelques interrogations qui reviennent régulièrement sur ce sujet.

 

 

1/ Le majeur protégé peut-il choisir son lieu de résidence ?

L’alinéa 1 de l’article 459-2 du code civil est clair : « La personne protégée choisit le lieu de sa résidence ».

Ainsi, le principe est clair : le protecteur ne peut pas décider du lieu de résidence du majeur protégé, sauf lorsque ce dernier se met en danger. Par exemple, lorsque pour des raisons de santé, il est impossible pour le majeur protégé de vivre seule à son domicile.

Il arrive aussi que le majeur protégé ne soit plus en capacité d’exprimer sa volonté : dans ce cas, le juge peut être saisi par les proches en cas de difficultés avec le protecteur (tuteur, curateur) et se prononcera en fonction du seul intérêt du majeur protégé.

En cas de conflit, le majeur protégé peut alors saisir le juge des tutelles (ou le conseil de famille s’il existe) afin de faire part de sa volonté lors d’une audition. Il reste en outre libre de contester la décision du juge en faisant appel (modèle gratuit de lettre d’appel ici).

 

2/ Le majeur protégé peut-il fréquenter les personnes de son choix (amis, famille, etc.) ?

L’alinéa 2 de l’article 459-2 du code civil est également clair : « Elle entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d’être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci ».

Cependant, ce principe peut également être aménagé au regard de l’intérêt du majeur protégé. Cet intérêt du majeur protégé peut comprendre la protection de son patrimoine, sa santé mentale et psychique, sa sécurité, sa sérénité, etc.

Ainsi, si par exemple le majeur protégé est particulièrement vulnérable et souhaite fréquenter une personne qui abuse de sa faiblesse (en lui prenant son argent de vie par exemple), son protecteur pourra s’y opposer. Autre exemple, avec par exemple le frère du majeur protégé qui serait particulièrement véhément ou violent avec ce dernier.

En cas de conflit, le majeur protégé peut saisir le juge des tutelles (ou le conseil de famille) afin d’exprimer sa volonté lors d’une audition. Il reste en outre libre de contester la décision du juge en faisant appel (modèle gratuit de lettre d’appel ici).

 

3/ Ces dispositions s’appliquent-elles aux mesures non judiciaires (habilitation familiale et mandat de protection future) ?

La liberté de choisir sa résidence et d’entretenir les relations personnelles de son choix concerne également le mandat de protection future (article 479 du code civil) et l’habilitation familiale (article 494-6 du code civil).

Toutefois, en cas de désaccord, le juge aux affaires familiales peut être saisi pour déterminer le montant de l’aide que chaque enfant devra verser au parent. Le juge prend alors en compte les ressources et les charges des enfants pour apprécier leurs capacités contributives et calculer leurs obligations respectives.

La contribution des enfants peut également être déterminée dans le cadre de l’instruction d’une demande d’aide sociale à l’hébergement (ASH). En effet, lorsqu’une personne âgée demande l’ASH, le département sollicite dans un premier temps les obligés alimentaires (enfants, petits-enfants, etc.) et se fonde parfois sur des barèmes permettant de calculer le montant de la contribution.

 

En conclusion, le code civil offre un cadre protégeant la liberté de choix du majeur protégé. Toutefois, cette liberté peut être limitée lorsque son intérêt le nécessite (sa sécurité, sa sérénité, etc.).

 

Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, etc.)