Droit des majeurs protégésL’argent de vie en curatelle renforcée

7 mars 2024

L’article 425 du code civil dispose que lorsqu’une personne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l’expression de sa volonté, elle peut bénéficier d’une mesure de protection juridique.

Les principales mesures de protection judiciaire sont les suivantes :

Ainsi, en curatelle simple, le majeur protégé perçoit ses revenus mensuels et les utilise comme bon lui semble pour régler ses charges, épargner et vivre (sous le contrôle du curateur).

En revanche, en matière de curatelle renforcée et de tutelle, le curateur / tuteur perçoit les revenus du majeur protégé (salaire, allocations, indemnités, etc.) et règle ses dépenses (loyer, facture d’électricité, facture de gaz, facture d’eau, mutuelle, assurance habitation, etc.).

Puis, en curatelle renforcée, le curateur a en principe l’obligation de reverser tout l’excédent au majeur protégé.

En tutelle, le tuteur a une obligation moindre puisqu’il doit « uniquement » verser au majeur protégé ce dont elle a besoin, en fonction de ses ressources.

Or, il arrive que des majeurs protégés par une mesure de curatelle renforcée se plaignent de l’insuffisance de la somme (argent de vie) qui leur est accordée chaque semaine ou chaque mois.

Nous faisons ici le point sur ce que les textes prévoient.

1. Qu’est-ce que l’excédent en curatelle renforcée ?

L’excédent – qui doit être remis au majeur protégé – est défini comme la somme restante après le règlement de toutes les dépenses obligatoires du majeur protégé (ses charges).

Par exemple :

Excédent = Salaire mensuel – Loyer – Factures (énergie et eau, assurance et mutuelle, internet et téléphone)

L’excédent devrait être donc égal au montant d’argent de vie versé au majeur protégé puisque le code civil est clair : en curatelle renforcée, le curateur doit déposer l’excédent sur le compte du majeur protégé.

Or, il existe une difficulté. En effet, certains curateurs épargnent parfois des sommes conséquentes, ce qui réduit artificiellement l’excédent et donc, l’argent de vie versé au majeur protégé.

2. Que prévoit le code civil ?

L’article 472 du code civil dispose que « (…) le curateur perçoit seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière » et « assure lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers et dépose l’excédent sur un compte laissé à la disposition » du majeur protégé.

Il est donc bien prévu que les dépenses effectuées par le curateur ne concernent que les « dépenses auprès des tiers ».

Ainsi, en principe, la constitution d’une épargne de précaution ne devrait pas imputer le budget du majeur protégé sous curatelle renforcée.

Toutefois, en pratique, certaines dépenses à régler à des tiers n’interviennent pas tous les mois ou n’interviennent pas de manière régulière : par exemple, le paiement des impôts et taxes, les soins médicaux, les frais de réparation du logement (électricité, plomberie, etc.), etc. Or, il est important que le curateur soit en mesure de régler ces dépenses. Ainsi, dans ce cadre, la possibilité de constituer une épargne raisonnable pour régler des charges futures semble être admise.

3. Conclusion

En curatelle renforcée, le curateur doit régler les dépenses du majeur protégé et lui reverser l’excédent.

Le curateur peut toutefois constituer une épargne en prévision de futures charges qui sont certaines ou, à minima, probables.

À défaut d’un accord entre le curateur et le majeur protégé, cette épargne ne peut avoir un objectif autre que le paiement de charges futures et ne doit pas trop nuire au train de vie de ce dernier (a fortiori si le majeur protégé dispose déjà d’une épargne importante).

L’excédent (ou l’argent de vie) peut être versé au majeur protégé à la semaine, à la quinzaine, au mois, ou sur toute autre période propice. Ce versement peut se faire au moyen d’espèces, d’une carte de retrait ou d’une carte de paiement sans découvert autorisé (voir ici pour plus d’informations).

De manière générale, la clé réside dans une bonne communication entre le curateur et le majeur protégé, avec notamment la réalisation concertée d’un budget prévisionnel.

 

Yann-Mickaël Serezo

Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, etc.)