Droit des majeurs protégésMettre un parent âgé ou vulnérable sous tutelle ou curatelle

15 mars 2024

L’article 425 du code civil dispose que lorsqu’une personne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l’expression de sa volonté, elle peut bénéficier d’une mesure de protection juridique.

Les principales mesures de protection judiciaire sont les suivantes :

Les mesures de protection juridique peuvent notamment permettre de protéger un parent qui, avec l’âge, devient plus vulnérable (maladie, arnaques et abus de faiblesse, endettement et précarité, etc.).

Nous présentons donc ici un guide permettant de demander au juge des tutelles l’ouverture d’une telle mesure.

 

Première étape : la constitution du dossier

 

A – La réalisation d’un certificat médical circonstancié

Le préalable à toute mesure de protection est la réalisation d’un certificat médical confirmant l’altération des facultés mentales ou corporelles du parent âge ou vulnérable à protéger.

C’est l’article 425 du code civil qui l’exige : « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique (…). »

Plus précisément, l’article 431 du code civil exige que le certificat médical soit un « certificat médical circonstancié », rédigé par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République (et qu’on appelle parfois « médecin expert »).

Il existe une liste de médecins par Tribunal judiciaire. Il est possible de se la procurer soit en se rendant au Tribunal, soit en ligne, soit en passant par un avocat.

Le médecin réalisera un examen du parent âgé ou vulnérable à protéger, rédigera ledit certificat médical et l’enverra au Tribunal compétent.

Attention : En l’absence d’un certificat médical circonstancié, le juge des tutelles considérera que la demande est irrecevable et la rejettera.

 

B – L’obtention des pièces administratives

La demande de mise sous protection doit également contenir des pièces administratives :

  • L’identité du parent vulnérable ;
  • La copie intégrale de son acte de naissance, datant de moins de 3 mois ;
  • La copie recto-verso de sa pièce d’identité ;
  • La copie recto-verso de la pièce d’identité du demandeur (par exemple, du fils ou de la fille du parent vulnérable).

La demande peut être réalisée en utilisant le formulaire cerfa n°15891. Celui-ci permet de renseigner plusieurs informations :

  • Les faits qui justifieraient la mise en place d’une mesure de protection ;
  • Le justificatif du lien de parenté entre le parent vulnérable et son enfant (par exemple, une copie du livret de famille).

Le cas échéant, si l’enfant du parent vulnérable souhaite être en charge de la mesure de protection, il doit fournir :

  • La copie recto-verso de sa pièce d’identité ;
  • La copie de sa domiciliation ;
  • Les lettres d’acceptation des autres membres de la famille (par exemple, les frères et sœurs).

 

Deuxième étape : l’envoi du dossier au juge des tutelles

Une fois que le dossier est complet, il convient de l’adresser au juge des tutelles compétent, par lettre recommandée avec avis de réception.

En principe, le juge des tutelles territorialement compétent est celui compétent dans le ressort de la résidence habituelle du parent à protéger.

Par exemple, si le parent habite à Paris, le tribunal compétent sera le Tribunal judiciaire de Paris.

En revanche, si le parent habite à Boulogne-Billancourt, le tribunal compétent sera le Tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt.

En effet, il convient d’être vigilant. Les juges des tutelles peuvent exercer tant :

  • Au sein de Tribunaux judiciaires (Bobigny, Créteil, Évry-Courcouronnes, Fontainebleau, Meaux, Melun, Nanterre, Paris, Pontoise, Versailles, etc.) ;
  • Qu’au sein de Tribunaux de proximité (Antony, Asnières-sur-Seine, Aubervilliers, Boulogne-Billancourt, Colombes, Courbevoie, Issy-les-Moulineaux, Levallois-Perret, Nanterre, Neuilly-sur-Seine, Puteaux, Rueil-Malmaison, Saint-Maur-des-Fossés, Saint-Ouen, etc.)

En principe, le juge des tutelles a une année à compter de la réception de la demande pour se prononcer sur l’ouverture, ou non, de la mesure de protection (article 1227 du code de procédure civile).

 

Troisième étape : la procédure aux fins d’ouverture de la mesure

 

A – L’instruction et l’audience

Une fois saisi, le juge des tutelles va démarrer son instruction.

D’abord, il va analyser la demande, en identifiant s’il existe un besoin urgent de protection ou non.

Si c’est le cas, le juge des tutelles pourra ouvrir une mesure provisoire d’urgence, sans même rencontrer le parent âgé ou vulnérable : il s’agit de la sauvegarde de justice (voir notre article sur ce sujet).

Ensuite, il va pouvoir solliciter l’avis des personnes impliquées dans la vie du parent à protéger :

  • Des acteurs médicaux (médecin qui a rédigé le certificat, médecin traitant, infirmières à domicile, etc.) ;
  • Des acteurs sociaux (assistant social, prestataires de services, etc.) ;
  • Les proches (par exemple, les enfants du parent âgé ou vulnérable).

Enfin, le juge des tutelles va convoquer le parent âgé ou vulnérable à une audition, qui se déroule en principe au Tribunal. Il existe toutefois une exception prévue à l’article 432 du code civil : sur avis d’un « médecin expert », le juge des tutelles peut décider qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’audition lorsqu’elle est de nature à porter atteinte à la santé du parent à protéger ou s’il est hors d’état d’exprimer sa volonté.

Le juge des tutelles peut également convoquer les membres de la famille ou d’autres proches.

Cette audience se déroule généralement à huis clos dans le cabinet du juge des tutelles : il s’agit d’un échange, qui permet de mieux comprendre le contexte et les besoins du parent à protéger. Il est possible pour les parties d’être accompagnées par un avocat.

 

B – Le jugement

Généralement quelques semaines après l’audience, le juge des tutelles rend son jugement dans lequel il décide de l’ouverture ou non d’une mesure de protection (tutelle, curatelle renforcée, curatelle simple, etc.).

Dans le jugement, il va également désigner un ou plusieurs tuteurs ou curateurs, qui seront chargés de la mesure de protection. Il s’agit en priorité de proches, mais il peut également s’agir d’acteurs extérieurs : le mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

Il peut par exemple désigner un tuteur-curateur aux biens (principalement en charge des finances du parent protégé) et un tuteur-curateur à la personne (principalement en charge des décisions plus personnelles, notamment de santé.

Le juge des tutelles peut également désigner des subrogés tuteurs ou curateurs : c’est une manière pour ces personnes de contrôler l’action du tuteur ou du curateur.

Attention : Lorsque le juge des tutelles refuse de prononcer une mesure de protection, l’appel n’est ouvert qu’au requérant (article 1239-2 du code de procédure civile), c’est-à-dire celui qui a demandé la mise en place d’une mesure (par exemple, les enfants du parent âgé ou vulnérable). Le délai d’appel est de 15 jours  (article 1239 du code de procédure civile).

 

Quatrième étape : l’exécution de la mesure

Le tuteur ou curateur a plusieurs démarches à réaliser dès que le jugement est prononcé.

D’une part, il doit s’entretenir avec le parent âgé. En effet, les mesures de protection sont parfois difficilement acceptées : il faut donc faire preuve de patience et d’une grande pédagogie pour amener le parent protégé à accepter la mesure. Il doit également essayer d’associer, tant que faire se peut, le parent protégé aux démarches qu’il réalise.

D’autre part, le tuteur curateur a de nombreuses missions administratives, surtout dans le cadre des mesures de tutelle et de curatelle renforcée.

Il doit notamment réaliser un inventaire du patrimoine mobilier et immobilier du parent protégé (article 503 du code civil) : il s’agit de lister ce qu’il possède, afin de le protéger contre d’éventuels abus. Cette mission est généralement précisée dans le jugement, avec un délai pour la réaliser. L’inventaire doit ensuite être envoyé au juge des tutelles.

Il doit aussi informer tous les organismes avec lesquels le parent protégé traite : les caisses de retraite, les organismes de prestations sociales (CAF, MDPH, etc.), l’administration fiscale, la CPAM, la mutuelle, les banques, les prestataires de services, etc.

La mise en place d’une mesure de protection juridique nécessite donc une préparation en amont, tant s’agissant de la communication avec le parent protégé et ses proches que s’agissant de l’aspect administratif. Dans ce cadre, l’assistance d’un avocat spécialisé en droit des majeurs protégés peut être extrêmement utile.

 

Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, etc.)