Droit des majeurs protégésTutelle et curatelle : quel est le coût du tuteur / curateur ?

15 février 2024

Lorsqu’une personne souffre d’une altération de ses facultés l’empêchant d’exprimer sa volonté, une mesure de protection peut être mise en place.

Dans le cadre d’une curatelle ou d’une tutelle, un protecteur va être désigné afin d’assister ou de représenter le majeur protégé.

Le juge des tutelles cherche ce protecteur d’abord auprès du majeur protégé : une personne qu’il a désignée avant l’altération de ses facultés (article 448 du code civil), un membre de la famille, un proche (article 449 du code civil).

Toutefois, lorsqu’aucune de ces personnes n’est en mesure de prendre en charge la mesure de protection, le juge nomme un MJPM, c’est-à-dire un « mandataire judiciaire à la protection des majeurs » (article 450 du code civil). Il existe plusieurs modes d’exercice pour ces MJPM : en tant que salarié au sein d’une association, en tant que proposé d’établissement ou en tant que mandataire exerçant à titre individuel (profession libérale).

Prendre en charge une mesure de protection est une mission très lourde : elle nécessite un investissement de tous les instants, afin de veiller au bien-être du majeur protégé et de répondre à tous ses besoins (matériels, psychologiques, de santé, etc.).

Cette mission va donc parfois faire l’objet d’une rémunération du protecteur.

Or, dans certains cas, la désignation d’un protecteur (tuteur ou curateur) peut entraîner des coûts non négligeables : en plus du coût de la procédure (certificat médical circonstancié, médiation, avocat, etc.), il faudra ajouter la rémunération mensuelle du protecteur et d’éventuelles indemnités exceptionnelles.

Nous faisons donc ici le point sur le coût du protecteur (tuteur ou curateur), notamment afin d’éclairer les majeurs protégés, les majeurs vulnérables ainsi que leurs proches. Il est en effet important d’aborder la question du financement du tuteur ou du curateur avant l’ouverture de la mesure de protection.

 

I – Le coût du tuteur / curateur en cas de gestion par la famille ou un proche 

 

A – Le principe de la gratuité

En application de l’article 448 et de l’article 449 du code civil, la famille et les proches du majeur protégé sont prioritaires dans le cadre de la désignation du curateur ou du tuteur.

L’ordre de priorité est le suivant : la personne désignée par le majeur protégé avant sa mise sous protection juridique, son conjoint (ou partenaire de PACS ou concubin), un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables.

Dans ce cadre, la mission du protecteur (tuteur ou curateur) est en principe exercée à titre gratuit. L’article 415 du code civil dispose en effet que la protection des majeurs qui en ont besoin est un « devoir des familles et de la collectivité publique ».

Plus précisément, l’article 419 du code civil indique que « les personnes autres que le mandataire judiciaire à la protection des majeurs exercent à titre gratuit les mesures judiciaires de protection ».

Ce principe de gratuité s’applique aussi pour d’autres mesures de protection, notamment au mandat de protection future (même article) et à l’habilitation familiale (article 494-1 du code civil).

 

B – Le versement d’une indemnité en cas de circonstances particulières et le remboursement possible des frais

L’article 419 du code civil prévoit toutefois un tempérament au principe de gratuité : « le juge des tutelles ou le conseil de famille s’il a été constitué peut autoriser, selon l’importance des biens gérés ou la difficulté d’exercer la mesure, le versement d’une indemnité à la personne chargée de la protection ».

Exemples : nombreux biens à gérer qui nécessitent des déplacements éloignés fréquents, état de santé du majeur protégé qui nécessite de l’accompagner très fréquemment chez des spécialistes qui sont géographiquement éloignés, etc.

En pratique : C’est le juge des tutelles (ou le conseil de famille) qui en fixera le montant. L’indemnité sera à la charge de la personne protégée.

Par ailleurs, à côté de cette hypothèse, le protecteur (tuteur ou curateur) peut également obtenir du juge des tutelles (ou le conseil de famille) le remboursement des dépenses qu’il aura réglé sur ses deniers personnels, au lieu et place du majeur protégé.

Exemples : affranchissement de courriers, frais de photocopies, etc.

En pratique : Il convient d’être extrêmement vigilant, de conserver les factures de ces dépenses et de les indiquer dans le compte de gestion annuel.

 

II – Le coût du tuteur / curateur en cas de gestion par un MJPM

 

A – Une prise en charge de la rémunération du tuteur par le majeur protégé

Lorsqu’aucun membre de la famille ou proche du majeur protégé n’est en capacité d’assumer la mesure de protection (curatelle ou tutelle), un mandataire judiciaire à la protection des majeurs est désigné en application de l’article 450 du code civil.

Dans ce cadre, l’article 419 du code civil du code civil prévoit que la mesure est exercée à titre lucratif et que son financement est à la charge du majeur protégé.

Cette prise en charge peut être toutefois être totale, partielle ou nulle, en fonction de la nature des missions confiées, du lieu de vie du majeur protégé et de ses ressources (article R. 471-5-1 et article R. 471-5-2 du code de l’action sociale et des familles).

Ainsi, il existe cinq catégories qui permettent de déterminer – partiellement – le montant de la participation du majeur protégé :

  • Ressources mensuelles inférieures à l’AAH : aucune prise en charge par le majeur protégé ;
  • Ressources mensuelles entre l’AAH et 1600 € : de 1 à 75 € à payer par le majeur protégé ;
  • Ressources mensuelles entre 1600 € et 4000 € : de 75 à 357 € à payer par le majeur protégé ;
  • Ressources mensuelles entre 4000 € et 9680 € : de 357 à 486 € à payer par le majeur protégé ;
  • Ressources mensuelles supérieures à 9680 € : 486 € à payer par le majeur protégé.

Cette présentation schématique permet seulement d’obtenir rapidement une estimation approximative du coût que représente un MJPM. D’autres critères sont pris en compte pour calculer la participation du majeur protégé au coût du MJPM.

Cette participation peut donc grever significativement le budget du majeur protégé. Elle est néanmoins déductible des impôts et peut être exceptionnellement réduite par le préfet lorsque le majeur protégé est dans une situation difficile.

 

B – Le possible versement d’indemnité complémentaires exceptionnelles

En sus de sa rémunération mensuelle, le MJPM peut parfois obtenir une indemnité complémentaire exceptionnelle.

L’article 419 du code civil (alinéa 4) dispose en effet que : « À titre exceptionnel, le juge (…) peut (…) allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l’accomplissement d’un acte ou d’une série d’actes requis par la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre des deux alinéas précédents lorsqu’elles s’avèrent manifestement insuffisantes… ».

L’article L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles reproduit ces dispositions.

L’article D. 471-6 du code de l’action sociale et des familles apporte plus de précisions puisque :

  • Il est précisé que l’indemnité complémentaire peut être accordée lorsque la charge de travail du MJPM est exceptionnelle ;
  • Des exemples sont donnés : le règlement d’une succession, le suivi de procédures judiciaires ou administratives, la vente d’un bien ou la gestion de conflits familiaux ;
  • La marche à suivre est indiquée : le MJPM doit présenter sa demande, joindre les justificatifs et justifier du caractère exceptionnel de sa charge de travail et de l’insuffisance de sa rémunération à ce titre ;
  • Le mode de calcul du montant est déterminé : l’indemnité est calculée selon un taux horaire de douze fois le montant du SMIC brut et de quinze fois le montant du SMIC brut à partir de la quinzième heure consacrée aux diligences exceptionnelles ;
  • Il est enfin précisé que le MJPM peut également obtenir le remboursement de ses frais de déplacement et de séjour occasionnés par l’accomplissement des diligences exceptionnelles.

 

Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, etc.)