Droit des majeurs protégésTutelle et curatelle : le mariage du majeur protégé

22 février 2024

Lorsqu’une personne souffre d’une altération de ses facultés l’empêchant d’exprimer sa volonté, une mesure de protection peut être mise en place.

Dans le cadre d’une curatelle ou d’une tutelle, un protecteur va être désigné afin d’accompagner et d’assister ou de représenter le majeur protégé.

Cette mission est lourde et exigeante : elle nécessite un investissement de tous les instants, afin de veiller au bien-être du majeur protégé et de répondre à tous ses besoins (matériels, psychologiques, de santé, etc.).

Dans ce cadre, le tuteur ou le curateur se voit investi de pouvoirs étendus : il a accès aux comptes bancaires du majeur protégé, il détermine parfois son budget mensuel et son « argent de vie », il donne son autorisation pour de nombreuses démarches, etc.

Or, il faut bien reconnaître que parfois, ces pouvoirs étendus ont été utilisés à mauvais escient par des tuteurs ou curateurs peu scrupuleux. Plusieurs « affaires » ont ainsi été médiatisées, avec des articles de presse, des condamnations judiciaires ainsi que la publication de livres et de rapports.

Depuis quelques années, le législateur a donc décidé de renforcer les droits des majeurs protégés : consécration d’une Charte des droits et libertés de la personne majeure protégée, obligation de fournir un certificat médical circonstancié dans le cadre de l’ouverture d’une mesure de protection, renforcement des droits du majeur protégé en matière bancaire, rétablissement de principe du droit de vote, meilleure prise en compte de la volonté du majeur protégé, etc.

C’est dans ce cadre que la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a réformé le cadre juridique relatif au mariage du majeur protégé (sous tutelle, sous curatelle, sous sauvegarde de justice, etc.).

 

En voici les principales dispositions actuellement applicables.

 

1/ Le majeur protégé peut se marier sans l’autorisation de son tuteur ou curateur.

Auparavant, l’article 460 du code civil prévoyait que le mariage d’une personne en curatelle n’était permis qu’avec l’autorisation du curateur et que le mariage d’une personne en tutelle n’était permis qu’avec l’autorisation du juge des tutelles (ou du conseil de famille).

Depuis la loi de 2019, l’article 460 du code civil ne prévoit plus de demande d’autorisation : la seule obligation du majeur protégé est d’informer son protecteur (curateur ou tuteur) du projet de mariage avant que celui-ci ait lieux.

Le majeur protégé doit fournir suffisamment d’informations pour que le protecteur puisse être à même de déterminer s’il s’y oppose ou non : identité et adresse du conjoint, durée de la relation, date et lieu de célébration du mariage.

Le majeur protégé doit prouver qu’il a respecté son obligation d’information du protecteur, en fournissant un justificatif lors du dépôt du dossier de mariage (article 63 du code civil). La présence du protecteur à la mairie lors dudit dépôt est également possible.

 

2/ Le protecteur peut s’opposer au mariage.

De manière traditionnelle, plusieurs personnes peuvent s’opposer à un projet de mariage :

Pour les majeurs protégés, cette liste est plus large puisque l’article 175 du code civil prévoit que « le tuteur ou le curateur peut former opposition (…) au mariage de la personne qu’il assiste ou représente ».

Attention : L’opposition obéit à un formalisme exigeant prévu par l’article 66 et l’article 176 du code civil.

Lorsque le protecteur s’oppose au mariage, celui-ci ne peut plus être immédiatement célébré. Les époux doivent :

 

3/ Le majeur protégé et son conjoint peuvent contester l’opposition au mariage.

Conformément à l’article 177 du code civil, le majeur protégé et son conjoint peuvent contester l’opposition au mariage en formant une demande en mainlevée auprès du tribunal judiciaire compétent.

Le tribunal judiciaire doit statuer dans les 10 jours suivant sa saisine. Ce délai est également applicable à la cour d’appel, si elle est saisie (article 178 du code civil).

 

4/ En cas de mainlevée, le protecteur (tuteur ou curateur) peut être condamné pour s’être opposé au mariage.

L’article 179 du code civil prévoit que « si l’opposition est rejetée, les opposants, autres néanmoins que les ascendants, pourront être condamnés à des dommages-intérêts ».

Le tuteur ou curateur du majeur protégé peut donc être condamné au paiement de dommages-intérêts si le juge ordonne la mainlevée de l’opposition du protecteur au mariage.

 

5/ En cas de mainlevée, le protecteur (tuteur ou curateur) ne peut plus s’opposer au projet de mariage.

Par combinaison de l’article 175 et de l’article 173 du code civil, il est acquis que si le juge ordonne la mainlevée de l’opposition du protecteur au mariage, celui-ci ne pourra ensuite plus s’opposer à nouveau au mariage.

 

6/ La conclusion d’un contrat mariage nécessite l’assistance du protecteur (tuteur ou curateur).

L’article 1399 du code civil (alinéa 1) est clair : « Le majeur en tutelle ou en curatelle ne peut passer de conventions matrimoniales sans être assisté, dans le contrat, par son tuteur ou son curateur. »

Si un contrat de mariage est conclu sans l’assistance du protecteur, il pourra être annulé dans l’année du mariage, sur demande du majeur protégé, de son protecteur ou de son époux ou épouse (alinéa 2).

Par ailleurs, afin de préserver les intérêts du majeur protégé, le tuteur ou le curateur peut également demander au juge des tutelles une autorisation pour conclure seul le contrat de mariage (alinéa 3).

 

7/ Toute modification du contrat de mariage nécessite l’autorisation du juge des tutelles.

L’alinéa 7 de l’article 1397 du code civil dispose que : « Lorsque l’un ou l’autre des époux fait l’objet d’une mesure de protection juridique (…), le changement ou la modification du régime matrimonial est soumis à l’autorisation préalable du juge des tutelles… ».

En d’autres termes, si le majeur protégé et son époux ou épouse envisagent de changer de régime matrimonial ou de modifier leur contrat de mariage, il convient de solliciter préalablement l’autorisation du juge des tutelles.

 

Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, etc.)