Droit des majeurs protégésDifférences entre curatelle simple et curatelle renforcée

29 février 2024

L’article 440 du code civil dispose que la mesure de curatelle – simple, aménagée ou renforcée – concerne les personnes qui ne sont pas hors d’état d’agir mais qui ont besoin, en raison d’une altération de certaines de leurs facultés, d’être assistées ou contrôlées de manière continue dans les actes importants de la vie civile.

Le régime applicable aux différentes mesures de curatelle est contenu dans le code civil :

  1. Les dispositions générales, applicables à toutes les mesures de protection (articles 425 à 427 du code civil) ;
  2. Les dispositions applicables aux mesures judiciaires, dont les curatelles (articles 428 à 432 du code civil) ;
  3. Les dispositions uniquement applicables à la tutelle et aux curatelles (articles 440 à 476 du code civil) ;
  4. Les dispositions uniquement applicables à la tutelle et à la curatelle renforcée (article 503 et articles 510 à 515 du code civil).

Il existe plusieurs différences importantes entre la curatelle simple et la curatelle renforcée, car plusieurs dispositions ne sont applicables qu’à la curatelle renforcée :

Avant d’analyser toutes les différences entre curatelle simple et curatelle renforcée, nous identifierons d’abord les principaux points communs entre ces curatelles : en effet, de nombreuses dispositions sont applicables à toutes les mesures de curatelles, qu’elles soient simples, aménagées ou renforcées.

I – Les points communs entre curatelle simple et curatelle renforcée

La curatelle simple et la curatelle renforcée sont deux variantes d’une même mesure : la curatelle. Elle concerne chacune des personnes qui ne sont pas hors d’état d’agir mais qui ont besoin, en raison d’une altération de certaines de leurs facultés, d’être assistées ou contrôlées de manière continue dans les actes importants de la vie civile.

Dans ce cadre, elles sont soumises à de nombreuses dispositions communes :

  1. Les dispositions générales, applicables à toutes les mesures de protection (articles 425 à 427 du code civil) ;
  2. Les dispositions applicables aux mesures judiciaires, dont les curatelles (articles 428 à 432 du code civil) ;
  3. Les dispositions uniquement applicables à la tutelle et aux curatelles (articles 440 à 476 du code civil).

 

A – Un même fonctionnement s’agissant des actes réalisés par le majeur protégé

La curatelle est une mesure d’assistance et de contrôle, et pas une mesure de représentation (comme en tutelle).

Ainsi, que ce soit en matière de curatelle simple ou de curatelle renforcée, la répartition entre les actes pouvant être réalisés seul par le majeur protégé et ceux seulement avec l’assistance du curateur est la même.

Ainsi, s’agissant des actes d’administration et des actes conservatoires – c’est-à-dire ceux qui sont les moins graves (payer une facture, réaliser une démarche administrative, réparer un bien, etc.) –, le majeur sous curatelle peut en principe les accomplir seul, sous le contrôle du curateur.

En revanche, s’agissant des actes de disposition – c’est-à-dire ceux qui sont plus importants (vente d’un appartement, réalisation d’une donation, etc.) – le majeur sous curatelle ne peut en principe les accomplir qu’avec l’assistance de son curateur (article 467 du code civil).

Par ailleurs, il convient de préciser que, tant en curatelle simple que curatelle renforcée, certains actes ou décisions relèvent de la sphère intime ou privée du majeur protégé et peuvent donc être réalisés par lui seul :

 

B – La même sanction pour les actes irréguliers du majeur protégé

D’une part, l’article 464 du code civil prévoit l’ouverture d’une période suspecte, qui vaut tant en curatelle simple qu’en curatelle renforcée.

Ainsi, sous réserve du respect de certaines conditions, cette période suspecte consiste à permettre d’annuler ou de réduire toutes les obligations résultant des actes accomplis par le majeur protégé moins de deux ans avant la publicité du jugement d’ouverture de la curatelle.

D’autre part, l’article 465 du code civil prévoit un régime d’irrégularité des actes accomplis par le majeur protégé, qui s’applique tant en curatelle simple qu’en curatelle renforcée.

Le régime est le suivant :

  • S’agissant des actes effectués seul par le majeur protégé, à bon droit : ils restent sujets aux actions en rescision ou réduction prévues par l’article 435 du code civil;
  • S’agissant des actes effectués par le majeur protégé alors qu’il aurait dû être assisté par le curateur : ils sont nuls seulement s’ils causent un préjudice au majeur protégé ;
  • S’agissant des actes effectués par le curateur seul, alors qu’ils auraient dû être effectués par le majeur protégé (seul ou avec son assistance) : ils sont nuls de plein droit.

Pour plus d’informations sur ce sujet : consultez notre guide sur l’annulation des engagements défavorables pris par un proche vulnérable.

 

II – Les différences entre curatelle simple et curatelle renforcée

On identifie trois principales différences entre curatelle simple et curatelle renforcée,  :

 

A – La gestion des revenus du majeur protégé

L’article 472 du code civil dispose qu’en curatelle renforcée, le curateur « perçoit seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière » et « assure lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers et dépose l’excédent sur un compte laissé à la disposition de l’intéressé ou le verse entre ses mains ».

En pratique, en curatelle renforcée, le curateur sera donc chargé de :

  • Percevoir les revenus du majeur protégé sur un compte ouvert à son nom (son salaire, ses allocations, ses indemnités, etc.) ;
  • Les utiliser pour régler les charges du majeur protégé (loyer, facture d’électricité, facture de gaz, facture d’eau, mutuelle, assurance habitation, etc.) ;
  • Verser l’excédent au majeur protégé, qu’on appelle « argent de vie » : en fonction des cas, le majeur protégé pourra utiliser cet excédent soit directement en espèces, soit via une carte de retrait ou une carte de paiement.

Il convient d’être vigilant car, dans le cadre de la curatelle renforcée, certains curateurs ont tendance à vouloir constituer une épargne pour le majeur protégé. Cela est bien entendu souhaitable et positif pour le majeur protégé. En revanche, cette épargne doit être raisonnable (notamment au regard du contexte : les ressources du majeur protégé, son âge, son entourage, etc.) et ne doit pas trop amputer le montant de l’argent de vie versé au majeur protégé.

En revanche, en curatelle simple, le curateur n’est pas investi de ces missions. Le majeur protégé dispose donc de davantage de liberté et flexibilité. Il perçoit ses propres revenus et les dépense comme il l’entend. Le curateur est donc beaucoup plus rarement associé aux décisions du majeur protégé. Il convient d’obtenir son « autorisation » seulement lorsque le majeur protégé souhaite utiliser son épargne (par exemple, dans le cadre d’un rachat sur une assurance- vie).

 

B – Les obligations relatives à l’inventaire et aux comptes de gestion

L’article 503 du code civil dispose qu’en curatelle renforcée, le curateur est tenu de procéder à un inventaire des biens du majeur protégé et à le transmettre au juge des tutelles dans un délai donné.

En d’autres termes, lorsqu’une mesure de curatelle renforcée est ouverte, le curateur doit établir une liste des biens que possèdent le majeur protégé et fournir une estimation de leur valeur. Cette obligation concerne tant les biens mobiliers (objets de valeur, comptes et livrets bancaires, etc.) que les biens immobiliers (maison, appartement, bureau, parking, etc.). L’inventaire doit enfin être actualisé régulièrement.

L’article 510 du code civil dispose qu’en curatelle renforcée, le curateur établit chaque année un compte de sa gestion et le transmet au directeur des services de greffe judiciaires qui est chargé de son contrôle et de son approbation.

Ainsi, lorsqu’une mesure de curatelle renforcée est ouverte, le curateur doit rendre compte de sa gestion : il doit indiquer dans un document tous les revenus ainsi que toutes les principales dépenses du majeur protégé. Il s’agit d’un mécanisme destiné à surveiller la bonne exécution de la mission du curateur : le compte de gestion est en effet envoyé au juge des tutelles, au majeur protégé et, le cas échéant, à son conjoint et au subrogé curateur.

 

Yann-Mickaël Serezo

Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, etc.)