Droit de la familleDettes et précarité des parents : les obligations des enfants

2 mai 2024

L’article 1199 du code civil dispose que « Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties » et l’article 1203 dudit code dispose que : « On ne peut s’engager en son propre nom que pour soi-même ».

En d’autres termes, cet article prévoit que lorsqu’une personne conclut un contrat – par exemple en s’obligeant à payer un prix en échange de la remise d’un bien –, seule elle-même est engagée par le contrat, et non pas d’autres personnes (par exemple, ses proches).

Toutefois, le code civil consacre également l’obligation alimentaire, qui consiste à devoir apporter une aide à certains membres de sa famille – et notamment à ses parents – lorsqu’ils sont dans le besoin (article 205 du code civil).

Cependant, ces personnes peuvent parfois être dans le besoin, non pas à cause de ressources insuffisantes, mais à cause d’une altération de leurs facultés mentales ou corporelles qui les rend plus vulnérables. Par exemple, en achetant des biens de manière compulsive, en jouant aux jeux de hasard et d’argent, en étant sujet à de nombreuses arnaques, etc.

Dans ce cadre, la mise en place d’une mesure de protection peut parfois être pertinente pour éviter aux membres de sa famille de se placer dans une situation financière précaire.

Nous faisons ici le point sur quelques interrogations qui reviennent régulièrement sur ce sujet.

 

1/ Un enfant est-il responsable des dettes d’un parent vivant ?

Un enfant n’a pas à régler les dettes de ses parents, quelle qu’en soit la nature (dettes locatives, crédits impayés, factures impayées, etc.).

Les parents s’engagent pour eux-mêmes et n’engagent pas leurs enfants.

La seule exception est lorsque l’enfant s’engage volontairement pour ses parents : par exemple, lorsqu’il se porte caution pour la souscription d’un emprunt ou pour la location d’un logement.

 

2/ Un enfant a-t-il l’obligation de soutenir un parent qui est dans le besoin ?

L’article 205 du code civil dispose que « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ». C’est l’obligation alimentaire.

Cette obligation consiste à devoir apporter une aide, en nature et/ou matérielle, à ses parents lorsqu’ils sont dans l’impossibilité de répondre seuls à leurs propres besoins (manger, s’habiller, se loger, se soigner, etc.).

Cette obligation s’applique également aux gendres et belles-filles (article 206 du code civil).

Cependant, cette obligation s’applique seulement après le devoir de secours du conjoint (article 212 du code civil) : si le conjoint peut répondre aux besoins de la personne, alors l’obligation alimentaire des enfants ne jouera pas.

En cas de violation de l’obligation alimentaire, l’enfant commet le délit d’abandon de famille prévu à l’article 227-3 du code pénal. À ce titre, il s’expose à une peine d’emprisonnement de 2 ans et de 15 000 € d’amende.

 

3/ Comment se calcule la contribution de l’enfant au titre de son obligation alimentaire envers ses parents ?

L’obligation alimentaire se manifeste régulièrement dans le cadre du financement des frais d’hébergement des parents en maison de retraite. En principe, la contribution des enfants se négocie à l’amiable, entre eux.

Toutefois, en cas de désaccord, le juge aux affaires familiales peut être saisi pour déterminer le montant de l’aide que chaque enfant devra verser au parent. Le juge prend alors en compte les ressources et les charges des enfants pour apprécier leurs capacités contributives et calculer leurs obligations respectives.

La contribution des enfants peut également être déterminée dans le cadre de l’instruction d’une demande d’aide sociale à l’hébergement (ASH). En effet, lorsqu’une personne âgée demande l’ASH, le département sollicite dans un premier temps les obligés alimentaires (enfants, petits-enfants, etc.) et se fonde parfois sur des barèmes permettant de calculer le montant de la contribution.

 

4/ Existe-t-il des exceptions à l’obligation alimentaire ?

Le 2ème alinéa de l’article 207 du code civil dispose notamment que  « (…) quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire ».

Ainsi, le juge aux affaires familiales peut dispenser certaines personnes de leur obligation alimentaire :

  • L’enfant dont l’un des parents a manqué gravement à cette obligation à son égard ;
  • L’enfant dont l’un des parents s’est vu retirer ses droits et ses devoirs à son égard (retrait de l’autorité parentale) ;
  • L’enfant qui a été retiré de son milieu familial avant ses 18 ans et pendant une période d’au moins 36 mois ;
  • L’enfant dont l’un des parents est condamné comme auteur, co-auteur ou complice d’un crime ou d’une agression sexuelle commis sur l’autre parent.

 

5/ Un enfant est-il responsable des dettes d’un parent décédé ?

L’enfant dont le parent est décédé dispose de plusieurs possibilités :

  • Acceptation pure et simple : dans cette hypothèse, l’enfant est donc redevable des dettes du parent décédé ;
  • Acceptation à concurrence de l’actif net : ici, l’enfant accepte la succession à concurrence de l’actif net, c’est-à-dire que le passif du parent décédé est payé avec l’actif de la succession et que s’il y a un excédent, alors l’enfant recevra la somme correspondant à sa part ;
  • Renonciation : enfin, dans cette hypothèse, l’enfant ne paiera aucune dette du parent décédé (en contrepartie, il ne perçoit aucune somme de la succession).

 

6/ La possible mise en place d’une mesure de protection pour limiter le risque d’endettement

Dans certains cas, lorsque le parent souffre d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, il peut être envisagé de mettre en place une mesure de protection (tutelle, curatelles, habilitation familiale, etc.) afin de limiter les risques d’endettement et de précarité.

Dans ce cadre, nous avons rédigé un guide expliquant les étapes pour mettre un parent sous tutelle ou curatelle :

  • La constitution du dossier (avec notamment la réalisation d’un certificat médical circonstancié) ;
  • L’envoi du dossier au juge des tutelles ;
  • La procédure d’ouverture de la mesure ;
  • L’exécution de la mesure.

 

Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, etc.)