Me Yann-Mickaël Serezo est intervenu à deux reprises sur le plateau de BFM TV afin d’apporter un éclairage juridique sur le placement sous curatelle renforcée de M. Alain DELON.
Nous faisons ici le point sur la procédure devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de Montargis qui a abouti à l’ouverture d’une mesure de curatelle renforcée à l’égard de M. Alain DELON.
Étape 1 : La demande d’ouverture de la mesure de protection, en janvier 2024
À la suite de divers conflits entre les proches d’Alain DELON, et notamment ses enfants (Anthony DELON, Anouchka DELON et Alain-Fabien DELON), le Procureur de la République de Montargis a indiqué qu’il demanderait au juge des contentieux de la protection, statuant en qualité de juge des tutelles, d’ouvrir une mesure de protection juridique.
L’article 430 du code civil dispose en effet que la demande d’ouverture d’une mesure « peut être également présentée par le procureur de la République soit d’office, soit à la demande d’un tiers ».
Ainsi, le Procureur de la République peut décider de demander au juge la mise sous protection d’une personne. Ce dernier peut prendre cette décision d’office (c’est-à-dire seul) ou à la suite d’un signalement d’un tiers (les proches, des acteurs médico-sociaux tels qu’un hôpital ou une assistante sociale, etc.).
Dans l’affaire DELON, le Procureur de la République de Montargis a donc dû constituer un dossier contenant divers documents et informations.
En effet, l’article 431 du code civil dispose que la demande du Procureur de la République au juge des tutelles doit comprendre, à peine d’irrecevabilité :
- Un certificat médical circonstancié rédigé par un « médecin agréé » ;
- Les informations sur la situation sociale et pécuniaire de la personne ;
- L’évaluation de son autonomie ;
- Un bilan des actions personnalisées menées auprès d’elle.
En l’espèce, le Procureur de la République a donc pu exiger de Monsieur Alain DELON la réalisation d’un examen par un médecin. L’article 1212 du code de procédure civile le prévoit.
Étape 2 : L’ouverture, en urgence, d’une mesure de sauvegarde de justice en janvier 2024
Une fois que le Procureur de la République de Montargis a transmis sa demande au Tribunal de proximité de Montargis, le juge saisi l’a instruit.
Il a donc analysé la demande, les documents transmis et notamment le certificat médical circonstancié.
En l’espèce, le juge des tutelles a estimé que M. Alain DELON avait un besoin urgent de protection.
Par ordonnance, le juge des tutelles a donc décidé d’ouvrir – en urgence et avant même de rencontrer M. Alain DELON – une mesure provisoire : la sauvegarde de justice.
Cette mesure peut engendrer, pour le majeur protégé, des conséquences importantes :
- D’une part, l’ouverture de la mesure permet à tous les actes récents passés et les engagements récents contractés par le majeur protégé d’être annulés ou modifiés lorsqu’ils lui ont été excessivement défavorables (article 435 du code civil) ;
- D’autre part, certains actes peuvent être confiés à un mandataire spécial (par exemple, la perception des revenus et le règlement des dépenses) (article 437 du code civil).
Cela a été le cas en l’espèce puisque nous savons que le juge des tutelles du Tribunal de proximité de Montargis a, fin janvier 2024, nommé un mandataire judiciaire à la protection des majeurs chargé de la réalisation de certains actes pour le compte de M. Alain DELON.
Étape 3 : L’audience en avril 2024
Le juge des contentieux de la protection chargé de la demande de mise sous protection a convoqué M. Alain DELON ainsi que ses proches en avril 2024.
Il s’agit de la suite normale de la procédure, dans le cadre de la mission d’instruction du juge. En effet, le juge peut solliciter l’avis des personnes impliquées dans la vie du parent à protéger : acteurs médicaux, acteurs sociaux, proches, etc.
En l’espèce, l’audience s’est donc déroulée en présence de l’avocat de M. Alain DELON, de sa fille et de son avocat et des avocats de ses fils.
Alain DELON n’était toutefois pas présent : en effet, l’article 432 du code civil prévoit que, sur avis d’un « médecin expert », le juge des tutelles peut décider qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’audition du majeur à protéger lorsqu’elle est de nature à porter atteinte à sa santé ou s’il est hors d’état d’exprimer sa volonté.
Cette audience s’est déroulée à huis clos et a permis au juge de mieux comprendre le contexte, les besoins de M. Alain DELON et les points de vue de ses proches.
Étape 4 : L’ouverture de la mesure de curatelle renforcée, en avril 2024
À la suite de l’audience, le juge des contentieux de la protection statuant en qualité de juge des tutelles du Tribunal de proximité de Montargis a pris sa décision : par jugement, il a décidé d’ouvrir une mesure de curatelle renforcée à l’égard de M. Alain DELON.
L’article 440 du code civil dispose que la mesure de curatelle – simple, aménagée ou renforcée – concerne les personnes qui ne sont pas hors d’état d’agir mais qui ont besoin, en raison d’une altération de certaines de leurs facultés, d’être assistées ou contrôlées de manière continue dans les actes importants de la vie civile.
La curatelle est une mesure d’assistance et de contrôle. Ainsi :
- S’agissant des actes d’administration et des actes conservatoires – c’est-à-dire ceux qui sont les moins graves (payer une facture, réaliser une démarche administrative, réparer un bien, etc.) –, le majeur sous curatelle peut en principe les accomplir seul, sous le contrôle du curateur.
- S’agissant des actes de disposition – c’est-à-dire ceux qui sont plus importants (vente d’un appartement, réalisation d’une donation, etc.) – le majeur sous curatelle ne peut en principe les accomplir qu’avec l’assistance de son curateur (article 467 du code civil).
En l’espèce, la mesure ouverte à l’égard de M. Alain DELON est une mesure de curatelle renforcée. Le curateur a donc également été chargé de :
- Percevoir les revenus de M. Alain DELON (son salaire, sa retraite, etc.) ;
- Les utiliser pour régler ses charges (factures, charges de copropriété, etc.) ;
- Lui verser l’excédent, qu’on appelle « argent de vie ».
Le placement de M. Alain DELON sous curatelle renforcée a été médiatisée au regard de sa célébrité. Une telle procédure reste relativement classique, notamment pour des enfants souhaitant protéger un parent vulnérable, puisque plus d’un pour-cent de la population française fait actuellement l’objet d’une mesure de protection.
Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, etc.)