Droit des majeurs protégésComment protéger un proche en urgence ?

10 décembre 2024

De nombreux évènements de la vie peuvent rendre un proche vulnérable.

Il peut par exemple s’agir :

  • D’une détérioration brutale des facultés mentales ou corporelles d’un proche, par exemple par rapport à l’âge (déclin cognitif), à un traumatisme psychique ou à un accident (traumatismes crâniens, AVC, coma, etc.).
  • D’une précarité financière, liée à une arnaque, à l’emprise d’un tiers, à un revers de situation ayant entrainé une situation de surendettement, etc.
  • D’une précarité liée à un isolement, par exemple à cause d’un conflit familial, notamment avec ses enfants ou avec son conjoint.

La famille ou les amis de ce proche vulnérable peuvent alors naturellement souhaiter le protéger. Parfois, cette mise sous protection doit être réalisée en urgence, notamment lorsque le majeur vulnérable se met en danger (tant personnellement que financièrement).

Or, le droit français prévoit de nombreux outils permettant d’agir en urgence et de mettre en place des solutions pérennes.

Dans cet article, nous explorons donc les principaux outils et mécanismes pour protéger un proche en urgence : l’ouverture d’une sauvegarde de justice par déclaration médicale, la communication auprès de tiers impliqués, l’activation d’un éventuel mandat de protection future, la saisine du juge des tutelles et la demande d’ouverture d’une sauvegarde de justice avec mandat spécial.

 

1. La sauvegarde de justice par déclaration médicale

La sauvegarde de justice par déclaration médicale est une mesure de protection provisoire (d’une année, renouvelable une fois) qui est prononcée à l’initiative d’un médecin et qui ne nécessite pas l’intervention du juge des tutelles (article 434 du code civil).

Elle concerne les majeurs vulnérables aux capacités mentales et/ou corporelles altérées qui ne peuvent plus gérer leurs intérêts ou qui les mettent en danger (en cas de libéralité, de projet de vente de biens à vil prix, d’arnaque, etc.).

En pratique, le proche peut demander l’ouverture de cette mesure au médecin qui prend en charge le majeur vulnérable. S’il l’estime nécessaire, ce médecin adresse une demande de sauvegarde médicale au procureur de la République. C’est ce dernier qui décide ou non d’enregistrer la mesure.

L’avantage de cette mesure est de bénéficier en urgence d’un mécanisme a posteriori permettant de demander l’annulation et/ou la réévaluation d’actes trop défavorables conclus par le majeur vulnérable.

En revanche, cette mesure a un inconvénient : elle laisse à la personne sa capacité juridique et ne l’empêche pas de conclure d’actes (sauf quelques exceptions, notamment vendre ou résilier le bail de sa résidence principale).

Elle ne peut donc intervenir qu’en complément d’autres outils.

 

2. La communication avec les tiers impliqués

Pour empêcher en urgence le majeur vulnérable de commettre des actes trop défavorables, il est également important d’échanger avec les tiers qui pourraient être impliqués.

Par exemple, si le majeur vulnérable envisage de vendre sa résidence principale, il est possible de contacter les personnes potentiellement impliquées dans la transaction, et notamment :

  • L’agent immobilier ;
  • Le notaire ;
  • L’éventuel acquéreur.

Le notaire est notamment tenu de garantir la validité et l’efficacité des actes qu’il établit. Ainsi, s’il lui est rapporté que l’une des parties à un acte est vulnérable ou n’est pas totalement sain d’esprit, il pourra être beaucoup plus vigilant.

D’ailleurs, le notaire a accès, sur demande, au répertoire du procureur de la République qui compile toutes les mesures de sauvegarde de justice médicale.

Un éventuel acquéreur pourrait également être découragé d’acquérir un bien immobilier s’il existe un risque élevé que la vente soit annulée ou que le prix soit ré-évalué.

Par ailleurs, il est également important de se rapprocher de la banque du majeur vulnérable. En effet, les banques sont tenues à de nombreuses obligations, notamment de vigilance et de mise en garde.

Ainsi, s’il est rapporté qu’un majeur est vulnérable, la banque pourra se montrer beaucoup plus vigilante : gel temporaire de comptes, exigence d’un niveau de validation supplémentaire pour certains mouvements, etc.

 

3. L’activation d’un mandat de protection future

Le mandat de protection future est un contrat qui permet à une personne – encore en mesure d’exprimer son consentement – d’anticiper l’organisation de sa vie et de son patrimoine dans le cas où ses facultés mentales ou physiques seraient altérées (article 477 du code civil).

Le mandat permet ainsi de désigner à l’avance une ou plusieurs personnes pour représenter le mandant s’il devient incapable de gérer ses intérêts.

Dans certains cas, le majeur vulnérable a conclu un mandat de protection future. Pour un proche qui souhaiterait le protéger en urgence, il pourrait donc être envisagé de sonder les proches et éventuellement le « notaire de famille » pour vérifier l’existence d’un mandat de protection future.

En effet, l’activation d’un mandat de protection future peut être très rapide puisqu’il nécessite uniquement :

  • D’une part, de faire constater l’état de santé du mandant par un médecin habilité par le procureur de la République ;
  • D’autre part, d’envoyer au greffe du tribunal compétent le mandat de protection future, le certificat médical du médecin habilité et quelques autres pièces administratives.

Une fois activé, le mandat permettra au mandataire (au représentant) de mettre en place des actions urgentes, notamment auprès de la banque, pour protéger le proche vulnérable.

 

4. Le dépôt d’une requête au juge des tutelles

Il est toutefois constant que les mesures de protection judiciaire (sauvegarde de justice, curatelle et tutelle) sont en principe les mesures les plus protectrices pour un majeur vulnérable. Cela pour plusieurs raisons :

  • Elles peuvent permettre d’obtenir la désignation d’une personne chargée de représenter, d’assister ou d’accompagner le majeur vulnérable dans la prise de ses décisions patrimoniales et personnelles ;
  • Elles peuvent permettre d’ôter la capacité juridique du majeur vulnérable, qui ne pourra plus conclure seul valablement des actes importants (contrairement à la sauvegarde de justice médicale et au mandat de protection future) ;
  • Elles peuvent limiter le majeur vulnérable dans sa gestion financière, en l’empêchant d’utiliser librement ses ressources mensuelles, d’utiliser sa carte bancaire de paiement et son chéquier, etc. ;
  • Elles peuvent être ouvertes pour une longue période (contrairement à la mesure de sauvegarde médicale).

Cependant, l’ouverture de ces mesures de protection nécessite l’intervention du juge des tutelles. Or, cette intervention prend généralement plus de temps que les outils et mécanismes évoqués ci-dessus.

Pour le saisir, il convient de lui envoyer une « requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection » et de joindre certaines pièces, notamment :

Une fois saisi, s’il estime que le besoin de protection est urgent, le juge des tutelles pourra ordonner l’ouverture d’une mesure de sauvegarde de justice.

La mesure de sauvegarde de justice ouverte par le juge des tutelles peut être plus efficace que la sauvegarde de justice médicale car ce dernier peut également désigner un mandataire spécial, c’est-à-dire un tiers auquel il attribuera des missions spécifiques (par exemple, gérer les comptes du majeur protégé, régler ses dépenses, recevoir son courrier, etc.) (article 437 du code civil).

Une telle sauvegarde de justice peut être mise en place par le juge des tutelles dans un délai généralement compris entre un à trois mois à partir du moment où la requête en ouverture d’une mesure de protection est déposée.

 

Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés (tutellecuratellesauvegarde de justice, habilitation familiale, etc.)